Tuesday 18 August 2015

Tataria Magna



Carte de la Tartarie indépendante (en jaune) et de la Tartarie chinoise (en violet), en 1806 par le cartographe britannique, John Cary 


La Tartarie ou Grande Tartarie, en latin : Tataria ou Tataria Magna, était le nom donné par les Européens du Moyen Âge au xxe siècle à la partie de l'Asie centrale et septentrionale s'étendant de la mer Caspienne et de l'Oural à l'océan Pacifique, et peuplée par les « Tatares », nom générique donné aux peuples turco-mongols. Cette aire couvre la Sibérie, le Turkestan, la Mongolie, la Mandchourie et le Tibet.

On distinguait :

- La « Tartarie russe » ou moscovite à l'ouest,

- La « Tartarie chinoise », incluant le Turkestan oriental (ou Xinjiang), la Mongolie, l'actuelle province de Qinghai et le Tibet à l'est, inclus dans l'Empire Chinois.

- La « Tartarie indépendante » (le Turkestan occidental) qui ne faisait partie ni de l'Empire russe, ni de l'Empire chinois.

- La Petite Tartarie désignait les contrées situées sur la mer Noire et conquises par les populations turco-mongoles (Crimée, Caucasie, Daghestan, etc.).


La Tartarie Chinoise

En 1806, sur la carte de J.Cary de la Tartarie indépendante et de la Tartarie chinoise, on peut noter que :

La ville de Xining (Sining sur la carte), actuelle capitale de la province de Qinghai, n'était pas considéré comme partie de la Tartarie chinoise ni du Qinghai. Le Qinghai était appelé « kokonor » ou selon la translittération actuelle du mongol, Khökh nuur, nom donné par les mongols au lac Qinghai et intégré à la Tartarie chinoise.
Le Népal (« Napaul ») et le Bhoutan (« Bootan ») sont inclus dans la région du Tibet(« Thibet »).

La Tartarie Indépendante

Dans la Tartarie indépendante étaient inclus les actuels Kirghizstan (« Kirgees great horde » sur la carte), Ouzbékistan (« Bucharia » sur la carte), Boukhara est une de ses principales villes actuelles, ainsi qu'une partie des actuels Kazakhstan et Afghanistan.



Les Lettres Persanes, 1721, de Montesquieu, Charles-Louis de Secondat, Baron de la Brède




Lettre LXXXII.

Nargum, envoyé de Perse en Moscovie, à Usbek, à Paris.


De toutes les nations du monde, mon cher Usbek, il n’y en a pas qui ait surpassé celle des Tartares par la gloire ou par la grandeur des conquêtes. Ce peuple est le vrai dominateur de l’univers tous les autres semblent être faits pour le servir ; il est également le fondateur et le destructeur des empires ; dans tous les temps, il a donné sur la terre des marques de sa puissance ; dans tous les âges, il a été le fléau des nations.

Les Tartares ont conquis deux fois la Chine et ils la tiennent encore sous leur obéissance.

Ils dominent sur les vastes pays qui forment l’empire du Mogol.

Maîtres de la Perse, ils sont assis sur le trône de Cyrus et de Gustaspe. Ils ont soumis la Moscovie. Sous le nom de Turcs, ils ont fait des conquêtes immenses dans l’Europe, l’Asie et l’Afrique, et ils dominent sur ces trois parties de l’univers.

Et, pour parler de temps plus reculés, c’est d’eux que sont sortis quelques-uns des peuples qui ont renversé l’empire romain.

Qu’est-ce que les conquêtes d’Alexandre, en comparaison de celles de Genghis-Khan ?

Il n’a manqué à cette victorieuse nation que des historiens, pour célébrer la mémoire de ses merveilles.

Que d’actions immortelles ont été ensevelies dans l’oubli ! Que d’empires par eux fondés, dont nous ignorons l’origine ! Cette belliqueuse nation, uniquement occupée de sa gloire présente, sûre de vaincre dans tous les temps, ne songeait point à se signaler dans l’avenir par la mémoire de ses conquêtes passées.





La Grande Tartarie

La Géographie Universelle contenant Les Descriptions, les Сartes, et le Blason des principaux Pais du Monde, 1676 



C'est ici la plus vaste Région de notre Continent, elle aboutit vers l'Orient à la Terre de Jeíso , et égale en grandeur toute l'Europe; puis- que sa longueur comprend plus de la moitié des degrés de longitude qui font en nôtre Hémisphère, et que sa largeur est aussi considérable que celle du reste de l'Asie. Le nom de Tartarie qui a succédé à celui de la Scythie, est venu du fleuve Tatar que les Chinois disent Tata, parce qu'ils ne se servent pas de la lettre r. Les Tartares sont les meilleurs archers du monde, mais cruels & barbares : Ils font souvent la guerre, et presque toujours au désavantage de ceux qu'ils vont visiter, et à la confusion de ceux qui les attaquent. Cirus, lorsqu'il passa l'Araxes; Darius Histaspes, lorsqu’il marcha contre les Scythes d’Europe, et Alexandre le Grand lorsqu’il fut au-delà de l’Oxus, ont été contraints de céder aux Tartares : et de notre temps, le grand Royaume de la Chine n’a pu éviter de se soumettre à leurs dominations. Leur cavalerie est celle qui fait le plus d'exécution dans leurs nombreuses armées ; et au contraire de ce que se pratique en Europe, c'est elle qui d'abord attaque les places. Les plus paisibles d'entre eux habitent sous des tentes de feutre, et ne font autre chose que garder du bétail. Leur pays a de tout temps été une pépinière d'hommes, qui sous divers noms ont fait des conquêtes et établi des colonies en plusieurs lieux : et cette grande muraille que les Chinois avaient élevée contre leurs courses, n'a pas été capable de les arrêter. Ils reconnaissaient divers Princes qu'ils nommaient Cans. Ils ont plusieurs Hordes qu'on peut appeler Cantons, Camps, Tribus ou assemblées de Familles ; mais le peu de connaissance que nous en avons, fait que nous les appelons tous du nom général de Tartares. Ils ont le hibou en grande vénération, depuis que Cingis, l'un de leurs Souverains, fut sauvé par le moyen de cet oiseau. Ils ne veulent pas souffrir qu'on les enterre, c'est pourquoi quelques-uns d'entre eux font élection d'un arbre, et ordonnent qu'on les y pende après leur mort. Il y a encore des Idolâtres, mais les Mahométans y font en plus grand nombre ; et on a reconnu que ceux qui ont conquis la Chine n'ont guère de religion particulière, bien qu'ils pratiquent plusieurs vertus morales. On met l'ordinaire en la Tartarie d'Asie cinq grandes parties ; la Tartarie Déserte, le Giagathai, le Turquestan, la Tartarie septentrionale et la Tartarie du Kim.
La Tartarie Déserte est ainsi appelée, parce que la plupart des terres n'y sont pas cultivées : Elle reconnaît pour la plupart le grand-duc de Moscovie qui en retire de belles et riches fourrures, et qui en a facilement soumis les peuples, parce que c'étaient plutôt des Bergers que des Soldats. Ses villes de Casan et Astracan sont près du Volga qui se rend dans la mer Caspienne par 70 embouchures, au lieu que l'Obi qui dans le même pays se rend dans l'Océan n'en a que six. Astracan fait un grand commerce de sel que ses habitants prennent en une montagne qui croît d'autant plus qu'on la coupe. Les Nouvelles de l'an 1661 portaient que les Tartares s'étaient saisis d'Astracan.
 Les peuples Calmouques y font Idolâtries, et fort semblables aux anciens Scythes, à cause de leurs courses, de leur cruauté et de leurs autres façons de faire.
Le Giagathai, et le Mawaralnahr ont des Cans particuliers : la ville de Samarkand est celle où le grand Tamerlan a établi une célèbre Université : Il y en a aussi une à Boukhara, ville marchande, qui passe pour la patrie d'Avicenne, fameux Philosophe et Médecin, et à Orcange près de la mer Caspienne. Alexandrie de la Sogdiane y fut autrefois célèbre par la mort du Philosophe Callisthène. La Tribu de Mogol y est connue par l'origine du Prince de même nom qui commande à une bonne partie de l'Inde. Les habitants y chassent aux chevaux sauvages avec des Faucons ; et en quelques contrées, ils ont tant de disposition et d'inclination pour la musique, que l'on a observé que leurs petits enfants chantent au lieu de pleurer. Ceux de Giagathai et d'Yousbeg ne s'appellent point Tartares, et sont de religion Mahométane.
Le Turquestan est le pays d'où quelques-uns font venir les Turcs, est aux environs du Mont Imaus, si célèbre dans l’Antiquité : On y remarque la ville de Cascar. Le Thibet qui en fait partie a du musc, de la cannelle et du corail qui servent de monnaie à ses habitants.

La Tartarie du Kin, que quelques-uns nomment le Cathai, est le plus puissant Etat de toute la Tartarie, car il est fort peuplé, riche et plein de belles villes, dont Cambalu ou plutôt Muoncheu est la capitale: plusieurs Auteurs ont dit merveilles de cette ville-là, la faisant connaître sous les noms de Quinzai, Xantum, Suntien et Pegium : ils rapportent entre autres choses qu'il y a dans le Palais Royal vingt-quatre colonnes de fin or et une autre plus grande de même métal, avec une pomme de Pin faite de pierreries taillées; qui valent quatre grosses Citez. On a entrepris le voyage du Cathai par diverses routes, dans l'espérance d'y trouver de l'Or, du Musc, de la Rhubarbe, et d'autres riches marchandises : Plusieurs y ont été par la Terre-ferme, d'autres par la Mer septentrionale, et quelques-uns en remontant le Gange. Les Tartares de ce pays sont entrés dans la Chine de notre temps, et le Roy de Niuche dit Xunchi, est celui qui en a fait la conquête à l'âge de douze and, assisté des bons et fidèles conseils de deux de ses oncles. On a toujours reconnue une grande modération en ce jeune Conquérant, qui a traité une Nation nouvellement conquise avec toute la douceur imaginable.

La vieille ou vraie Tartarie que les Arabes appellent diversement, « Magog » ; « Gog », est vers le Septentrion, et fort peu connue : L'on dit que Salmanasar, Roi d'Assyrie, y fit transporter les Tribus qu'il tira de la Terre-Sainte, et qu'il y a encore aujourd'hui des Hordes qui en conservent les noms et les mœurs. Il y a l'Imaiis célèbre dans l'antiquité, l'une des plus grandes montagnes du monde.